Prendre le pari osé de développer un jeu horrifique sur Nintendo DS, console n'ayant accueillie qu'un Resident Evil Deadly Silence moyen jusqu'alors, relève sans doute de la folie. Pourtant, chez Renegade Kid on ne le voit pas comme ça, et créer un Survival bien glauque sur le support réputé pour être grand public n'effraie personne dans l'équipe. Enfin on ne va pas s'en plaindre car, au moins, avec le soft qu'ils nous ont concocté, baptisé Dementium : L'asile, la ludothèque de la portable aux deux écrans gagne un titre mature et clairement destiné aux plus grands. Annoncé comme un First Person Shooter incluant des notions de Survival Horror, le bébé de Renegade Kid ne pouvait qu'attirer les plus dingues d'entre nous (enfin, les plus de 18 ans bien sûr). Mais comment ne pas être septique quant à l'utilisation d'un tel univers sur la console ? C'est vrai quoi !! Comment réussir à placer un titre adulte dans la liste des jeux DS contenant trop de Martines à la ferme et autres infantilismes ? Alors, ce Dementium est-il effrayant de loin mais loin d'être effrayant, ou se révèle-t-il à la hauteur de toutes les attentes ?
Lampe torche parée

Imaginez vous assis dans une chaise roulante, poussés par quelqu'un dont vous n'arrivez pas à voir le visage, dans un hôpital dévasté et infesté de monstres peu ragoûtants et de cadavres, jusqu'à une chute dans un trou béant dans le sol. Dementium commence comme ça... Et à vrai dire, même si ce n'est pas extrêmement original, cela surprend un peu. S'en suit un réveil brutal dans une chambre lugubre, faiblement éclairée par la lumière extérieure, uniquement produite par de rares éclairs. Voilà qui en dit long sur les prochaines heures de jeu. Et autant le dire tout de suite, en dépit d'un support pas forcément adapté aux Survivals, le soft fait peur. Premièrement parce qu'il nous impose une obscurité constante restreignant notre vue à deux misérables mètres sans lame torche. Une fois celle-ci en notre possession, on n'aura plus aucun mal à se repérer dans les couloirs de l'hôpital. Seulement voilà, à l'instar d'un Doom 3, il est impossible de tenir la lampe en même temps qu'une arme. Ce qui fait que l'on doit régulièrement s'empresser d'empoigner le premier engin de mort qui nous tombe sous la main en touchant une icône sur l'écran tactile pour parer aux attaques de notre assaillant, tout en reculant pour l'éviter. Le truc, c'est que ceci amène un certain stress pas forcément bienvenu, amplifiant l'inquiétude et la terreur ressentie par le joueur, ce qui aurait pu être un bon point si la difficulté et la répétitivité globale du jeu n'en était pas accrue elle aussi.

Et ce problème s'applique à tous les monstres du jeu, des ennemis de base aux sangsues, en passant par les têtes volantes et les demis corps (ils doivent certainement avoir un nom, mais lequel ?). Dès que l'on rencontre quelque chose d'hostile, c'est la même rengaine. On sort une arme, on commence à reculer et on appuie plusieurs fois sur la touche L pour lui tirer dessus. C'est agaçant de répétitivité, même si le jeu est affreusement court. Et par affreusement, j'entends quatre minuscules heures. Mais ceci n'est rien en comparaison du plus gros défaut du titre : le respawn. Et pas seulement le vôtre, lorsque vous mourrez et que vous recommencez à un point de sauvegarde excessivement mal placé, voire carrément du début du niveau. Il s'agit aussi de celui des ennemis qui, quasiment à chaque fois que vous quittez la pièce où vous les avez mis en charpie, réapparaissent au même endroit... Cette phrase se suffit à elle même pour expliquer l'agacement ressenti par le joueur contraint à revenir sur ses pas. Parce que oui, et cela contraste avec l'appellation Survival Horror, Dementium est victime de l'effet couloir qui, une fois combiné à quelques mécanismes de Survival, oblige souvent à faire demi-tour. Certes, il y a quelques niveaux où on a la vague impression d'explorer, mais en regardant la carte de plus près, on se rend bien compte qu'on est bien loin de ce qui nous était promis. Et là encore on touche à une corde sensible : la linéarité. Qui dit : effet couloir, dit : linéarité et répétitivité... Alors ok, on ne le ressent pas dans les premiers chapitres, mais difficile de ne pas ouvrir les yeux au bout d'une heure de jeu. Heureusement, le gameplay est facile d'accès, et l'utilisation du stylet pour déplacer le viseur permet une grande précision. Pour autant, il y a quand même des détails qui fâchent, comme le fait que les munitions ne puissent plus être collectées passé un certain nombre en notre possession, ou la lourdeur de notre personnage qui se fait parfois rattraper par les ennemis qu'il tente de fuir.
Une ambiance qui fait froid dans le dos

Comme annoncé, Dementium s'avère vraiment effrayant, et pas seulement à cause de la forte obscurité constante. Il impose dès la première seconde une ambiance angoissante et dérangeante, quelque part entre Silent Hill et Project Zero. De plus, l'utilisation de certains effets qui surprennent le joueur (comme une porte qui explose à quelques centimètres pour laisser passer un monstre) est très bien pensée, et intervient régulièrement, mais pas suffisament pour que l'on s'en lasse. De ce fait, on est toujours aux aguets, et un certain stress s'installe. Tout va bien donc de ce côté là, enfin tant que l'on ne touche pas au scénario. Encore un défaut... En effet, l'histoire de Dementium est loin d'être originale, et s'avère à vrai dire beaucoup trop plate, n'intéressant pas vraiment le joueur. Il faut dire aussi que l'ensemble de la trame est beaucoup trop énigmatique, et qu'à la fin du jeu on ne connait pas grand-chose de plus sur le background et sur les personnages qu'au début. Quelques apparitions mystérieuses viennent nous hanter, mais si on ne fait pas attention aux documents disséminés dans les chapitres on ne risque pas de comprendre tout ce qui se passe. Le fait est qu'arrivé à la fin, on est un peu déçu, et pas seulement parce que la cinématique apparaissant après le dernier boss est encore une fois trop énigmatique, mais aussi parce que l'on a un peu l'impression de ne rien avoir appris pendant les quatre heures de jeu. Heureusement, les boss rehaussent un peu le tout, les combats les mettant en scène étant tous bien conçus et suffisamment captivants pour nous faire oublier les problèmes rencontrés dans les chapitres. On regrettera juste que certains d'entre eux n'aient rien à voir avec l'histoire, et que leur découverte comme leur mort ne signifie rien.

Niveau réalisation, le soft est impeccable. Il affiche une 3D sans ralentissement et détaillée, faisant honneur au support. Les effets de lumières sont plutôt jolis et ne sont dénaturés par aucune ombre mal placée. Les animations ne sont pas mal non plus, à commencer par celles des ennemis de base, sortes d'humanoïdes tirée de Silent Hill, qui sont bien plus réalistes que celles des autres First Person Shooter de la DS (sauf peut-être Metroïd Prime Hunters), comme les Call Of Duty par exemple. Le bestiaire est simplement parfait, et on ne regrettera qu'un léger manque d'espèces, même si l'on a déjà du mal à s'en sortir avec toutes celles déjà présentes. Seuls quelques effets s'avèrent un peu décevants, comme le vomi de certains monstres, ou encore leur disparition lorsqu'ils meurent. Le réel défaut côté réalisation visuelle provient du manque de renouveau dans les environnements. On parcourt tout le temps des couloirs sombres, et ça devient vite agaçant. Certes, par deux fois dans le jeu on sort de l'hôpital pour aller gambader dehors, mais ces scènes durent trop peu de temps pour qu'on en ressente les effets. Côté bande son il n'y a rien à redire. Les morceaux sont parfaitement dans le ton. Les bruitages ne sont pas mauvais non plus, surtout pour de la DS. Et là où l'on se rapproche le plus de la perfection, c'est certainement dans les voix et les cris des monstres. Premièrement, les deux personnes que l'on entendra parler dans l'aventure s'expriment dans un Anglais parfait et crédible. Elles ne parlent certes que quelques secondes, mais le peu est vraiment bon. Et pour finir, les cris sont tout simplement exquis. Le seul moyen de repérer les monstres de loin est de les écouter gémir. En faisant cela, il nous est possible de déterminer vaguement leur position. Et malgré une précision approximative dans le rapport distance / son, on peut dire que le tout est bluffant d'ingéniosité.
Qui a dit Survival Horror ?
Se vanter de développer un Survival Horror sur DS c'est bien, mais le faire c'est mieux. J'entends par là que Renegade Kid n'a pas vraiment rempli son contrat, et que Dementium n'est, au final, qu'un First Person Shooter basique, incluant de rares notions d'exploration limitées, ainsi que des énigmes beaucoup trop faciles. Bref, sur ce plan-ci le titre déçois, puisque l'on s'attendait à quelque chose de moins classique dans sa construction ; quelque chose ne nous contraignant pas à suivre des couloirs à longueur de temps. Il ne suffit pas de mettre des monstres effrayants et des énigmes à trois sous dans un jeu pour qu'il obtienne l'appellation Survival, et malheureusement, les développeurs n'avaient pas du le comprendre.